Elargissement du périmètre du CREP
- O-Kazu O-Kazu
- 20 sept. 2024
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Veille règlementaire
Anne Sourys, sénatrice écologiste et professeure des écoles, vient de déposer au Sénat
une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la présence de plomb dans
l’environnement. Son exposé des motifs permet d’en comprendre les tenants et les
aboutissants. « La lutte sociale, environnementale et juridique contre la présence de plomb
ne s’arrête pas avec le règlement européen de 1992 » [règlement du Conseil européen
n° 2455/92/CEE du 23 juillet 1992 relatif au transport et à la mise sur le marché de certains
produits chimiques dangereux]. S’il a enfin permis d’interdire en France la vente et de
l’importation de peintures contenant de la céruse, de la cérusite et de sulfates de plomb, « le
plomb subsiste dans nombre de foyers tandis que quelques usages persistent ». Comme
l’historienne Judith Rainhorn le remarquait : « entre 1823 et 1993, une série de textes
législatifs et réglementaires ont accompagné, plus qu’ils n’ont suscité, la disparition de la
céruse [de plomb] sur le marché de la peinture en bâtiment ».
Alors que les pouvoirs publics ont pris la mesure des dangers du plomb, de son interdiction à
la prévention du saturnisme, la sénatrice et ses collègues entendent agir pour la santé
environnementale : « Une étape supplémentaire doit être entamée dans la lutte contre la
présence du plomb, à l’aune des dernières connaissances scientifiques, des combats locaux
contre la contamination de lieux d’habitation et des controverses liées à la présence de
plomb dans l’environnement urbain ».
La sénatrice s’appuie également sur quelques statistiques pour étayer ses propos : le plomb
était encore responsable de 126 cas déclarés de saturnisme infantile en 2014, le taux moyen
de plomb dans le sang des adultes (18-74 ans) était de 18,5 ug/L en 2014-2016 et beaucoup
de cas de saturnisme chronique (mais néanmoins grave) échappent à la vigilance des
médecins.
Renforcer la surveillance sanitaire
L’article premier de la proposition de loi modifie en conséquence les dispositions relatives à
la lutte contre la présence de plomb du Code de la santé publique. Elle entend tout d’abord
renforcer le dispositif de prévention de l’intoxication infantile au plomb et la détection de
sources d’exposition. Les données disponibles sur la contamination de la population sont
parcellaires, contrairement aux États-Unis où, par exemple dans l’État de New-York, depuis
1993, tous les enfants sont testés à l’âge de 1 ou 2 ans, ce qui a amené l’administration
Biden à financer massivement la suppression de peintures au plomb des habitats et le
remplacement des tuyaux d’eau.
La proposition de loi reprend à son compte un avis de 2014 du Haut Conseil de la santé
publique (HCSP) qui recommandait d’assortir le seuil de déclaration obligatoire de 50 ug/L
d’un autre seuil dit « de vigilance » de 25 ug/L, à vocation préventive. Il s’agirait ainsi
d’identifier des expositions probables, d’informer les familles concernées sur les dangers du
plomb et d’engager une surveillance biologique rapprochée. Une démarche similaire à
l’expérimentation lancée à Paris en 2019 aux lendemains de l’incendie de la cathédrale
Notre-Dame.
La proposition de loi invite également « à recentrer sur des enjeux sanitaires la définition des
seuils déclenchant les mesures de police administrative, définies au titre I er du livre V du
Code de la construction et de l’habitation ». Actuellement, après des travaux dans des
locaux, un prélèvement de poussières au sol doit être réalisé. Lorsque ce prélèvement révèle
la présence d’une concentration surfacique en plomb supérieure au seuil de 1 000 ug/m²
pour l’un des échantillons prélevés, « le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou
l’exploitant du local d’hébergement fait procéder à un nouveau nettoyage minutieux des
locaux traités, préalablement à de nouveaux prélèvements de poussières ». Or, ce seuil
réglementaire fixé à 1 000 ug/m² depuis 1999, n’a aucune signification sanitaire, comme le
remarquait le HCSP en 2021 qui recommandait, après le comité technique plomb en 2007,
d’abaisser cette valeur. Ainsi, les sénateurs dépositaires de la proposition de loi estiment
nécessaire de consulter le HCSP avant de fixer un nouveau seuil règlementaire.
Une meilleure surveillance de l’exposition environnementale
Les sénateurs proposent aussi d’encadrer les politiques conduites lorsque du plomb est
détecté dans l’environnement extérieur, véritable angle mort pour l’heure de la législation et
de la réglementation. Tout d’abord, il serait ainsi prévu la communication au directeur général
de l’agence régionale de santé (ARS) des résultats de prélèvements de plomb réalisés dans
l’environnement extérieur et leur publication. Ils souhaitent aussi que soit définie une valeur
repère de la contamination au plomb des environnements extérieurs devant conduire à la
recherche de cas de saturnisme infantile, sur la base d’études à mener qui permettrait au
HCSP de rendre un avis sur cette définition. « Une harmonisation nationale fondée sur les
travaux du Haut Conseil de la santé publique permettrait de renforcer la place de la santé
dans la gestion de cette présence de plomb », estiment les sénateurs. Parallèlement, afin de
renforcer la gestion du risque plomb, les sénateurs souhaitent encadrer systématiquement la
saisine des ARS et des collectivités locales afin qu’elles donnent leur avis sur les mesures à
prendre pour protéger la population de cette pollution évitable. Ces mesures pourraient
inclure la réalisation de plombémies et d’analyses obligatoires de présence de plomb dans
les peintures, les poussières, les eaux et les sols, ciblées sur des territoires et des
populations jugées à risque d’être exposées à la substance.
Restreindre encore l’emploi du plomb dans les bâtiments et étendre le champ
d’investigation du CREP
L’article 2 de la proposition de loi s’attaque à l’usage de plomb laminé dans les bâtiments.
Suivant encore les recommandations du HCSP, les sénateurs veulent ainsi réduire la
présence de plomb dans l’espace public, les plaques de plomb laminé placées en toiture
représentant une source de pollution importante (entre 2,5 et 25 g/m 2 par an), notamment en
raison du ruissellement des eaux pluviales. Cette interdiction interviendrait un an après la
promulgation de la loi afin de permettre aux acteurs du secteur de s’adapter à cette mesure.
Les sénateurs plaident aussi pour un élargissement du diagnostic plomb aux autres sources
d’exposition présentes dans les logements, comme les eaux, les tuyaux et les
environnements extérieurs (sols des jardins par exemple).
Pour construire une politique publique de prévention plus efficace, les sénateurs souhaitent
enfin qu’un plan d’action soit déployé.
source: diagactu
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